Dans Writing for Comics, Alan Moore insiste : un bon comic book doit présenter une idée. Sans cette idée, c’est une coquille vide. Une belle coquille, pourquoi pas, mais qui sonnera creux.
Le scénariste lui-même sait mieux que quiconque de quoi il a voulu parler dans ses œuvres. « Watchmen parle de pouvoir. V pour Vendetta parle de fascisme et d’anarchie. »
Enfin, c’est ce qu’il dit. Car bien sûr, Watchmen parle de pouvoir. De pouvoir absolu. De pouvoir corrompu. De pouvoir de tout arrêter ou de pouvoir laisser faire. De pouvoir et de devoir. De super-pouvoir. Mais à y regarder de plus près, je crois que le pouvoir, c’est le décor.
Le vrai sujet de Watchmen, c’est sa structure narrative. Watchmen est un livre sur les livres. Le Doc Manhattan voit les ficelles du spectacle dont nous faisons tous partie. Les ficelles de la narration actionnées par Moore. Ils les voit et il nous les montre en nous encourageant à feuilleter la BD d’avant en arrière pour vérifier ses effets d’annonce.
V pour Vendetta parle de liberté. Sur l’axe de la liberté, il y a deux extrémités : le fascisme et l’anarchie. C’est leur bagarre que Moore met en scène. Tout comme il met en scène deux autres opposés qui s’attirent et se complètent mutuellement dans « Souriez ! ». Sauf que pour lui, « The Killing Joke parle juste de Batman et du Joker. Et Batman et le Joker ne symbolisent rien qui soit réel. Dans le vrai monde, ce ne sont que deux personnages de BD. »
Moore a toujours prétendu regretter l’absence de message fort ou d’idée universelle dans cette courte histoire. Pour ma part, je suis convaincu que cette BD ne sonne pas creux. Elle parle de la folie, de la dualité de l’homme. Elle parle de responsabilité et d’héritage.
Quand on raconte une histoire, il faut qu’on trouve un message à faire passer. Si on ne l’a pas au début, il faut se débrouiller pour l’avoir à la fin et retravailler le script en conséquence pour que tout semble couler de source. Sinon, on obtient un enchaînement de faits, une suite de scènes, de séquences, sans liant, sans âme. Pire, on bosse pour rien.