J’ai rencontré Hervé Féhel le jour de la Fête de la BD 2006, à la suite d’une table ronde à laquelle je participais, animée par Didier Pasamonik et organisée par l’adaBD (association des auteurs de BD). Aujourd’hui, il répond à mes questions pour nous conseiller sur la façon d’écrire un scénario de bande dessinée efficace.
Hervé, quels sont pour toi les cinq points les plus importants à ne pas perdre de vue pour bâtir une histoire ?
Hervé Fréhel : Pour ma part, je pars du principe que tout élément présenté doit être important. S’il a été choisi, c’est pour faire avancer l’intrigue. En ce sens, rien n’est donc amené gratuitement et tout ce qui est donné doit servir le récit, être à son service. Si ce n’est pas le cas, bien souvent, ces éléments peuvent être supprimés. C’est souvent délicat car, parfois, on a écrit une histoire pour une scène particulière. Mais, encore une fois, si elle ne vient pas faire progresser l’histoire, elle n’est pas nécessaire car elle vient ralentir l’aventure. C’est souvent la source de la fausse bonne idée. Ainsi les différents lieux présentés doivent être exploités au maximum pour leurs intérêts à faire progresser l’intrigue dans un cadre original. En montagne ou sous l’eau, par exemple. Il en va de même pour le temps : la nuit, le jour, l’été ou l’hiver.
C’était le premier point. Deuxième point ?
Hervé Fréhel : La succession des événements. Il faut bien choisir les différents obstacles dans un ordre crescendo pour arriver au fameux climax : le final qui est souvent la source d’une grande tension particulièrement savoureuse pour le lecteur. Et enfin la chute. Il faut bien doser les moments fort et de relâche, les différents nœuds de l’intrigue… Ne jamais faire passer une information par un dialogue quand on peut le faire par le biais de l’image. Éviter les banalités d’usage sans intérêt. Il faut aller à l’essentiel.
Très juste. Et donc, à propos de dialogue, tu as un conseil…
Hervé Fréhel : Bien caractériser chaque personnage dont on va suivre les péripéties (un vieil homme riche ne parle pas comme un jeune de banlieue). Les dialogues doivent être soignés. Je me fais une fiche pour chacun, qui me fournit ses qualités (caractéristiques physiques et psychologiques), son activité et son but. Ainsi, je donne davantage de crédibilité à mes personnages.
Tu fais une fiche pour chaque personnage. Tu fais aussi une fiche pour l’histoire ?
Hervé Fréhel : Toute histoire, quelle qu’elle soit, prend pour base une idée. Il vaut mieux une seule idée bien exploitée qu’un fourre-tout survolé dans lequel on finit par se noyer. Le grand complot extra-terrestre qui annonce l’anéantissement de tout l’univers dans une véritable apocalypse nucléaire avec des répercussions jusque dans les origines du monde peut vite devenir très difficile à gérer, bref c’est parfois limite casse-gueule ! C’est pourquoi il est bon de pouvoir se résumer en une ligne l’enjeu principal de l’intrigue – le pitch. C’est un bon repère pour soi. Il faut être d’une précision d’orfèvre.
Oui, comme tu me le disais, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Que veut-on raconter ? Par les simples choix dans ce qui sera décidé de montrer ou de ne pas montrer par flash-back ou par ellipse, en omettant certains événements donc en cachant volontairement certaines données, en ne gardant que l’essentiel qui l’intéresse, en mettant l’accent sur certains incidents précis, l’auteur va dégager un sens de l’histoire, une philosophie, une leçon, un message, donner son point de vue par le biais du récit.
Merci pour ces précieux conseils et bon courage pour ton nouveau projet chez KSTR !
Biographie express : le bac littéraire en poche, Hervé Fréhel entame des études de lettres modernes puis de philosophie. Il se rend ensuite à Paris pour une formation en dessin animé à l’école des Gobelins. Il devient scénariste pour la série L’héritage des dieux chez Vents d’ouest et vient de signer un thriller pour Casterman (collection KSTR). Parallèlement, il anime un atelier BD et travaille pour des concerts de musique classique.