Suite de la rencontre avec le cyber-romancier Thomas Debelle du « Blog around the Corner »… Dans l’épisode précédent, Thomas nous expliquait que pour écrire un scénario, la première étape était de définir un point de départ (A) et un point d’arrivée (B).
EFDLT : Et comment fais-tu pour aménager des moments forts sur le chemin qui mène du point A au point B ?
Thomas DEBELLE : Étant donné que je n’ai aucune idée du déroulement exact de l’action au moment où je commence à écrire, il est assez simple de ménager des rebondissements et autres surprises, chaque nouvelle session d’écriture étant une sorte de nouveau départ. Comme je le précisais précédemment, je sais d’où je pars et où je dois arriver, et je connais les étapes narratives indispensables pour que l’intrigue reste fluide et évidente. Ces étapes peuvent être considérées comme des moments forts, auxquels s’ajoutent tous les petits rebondissements dont je parle qui eux sont le fruit du fait que j’ai la structure générale, sans qu’elle soit trop détaillée pour autant. Par exemple si mon point de départ est un joueur de saxo sur le déclin et que mon point d’arrivée (ma conclusion quoi) est qu’il finit par se laisser digitaliser, ce qui entraîne sa mort physique, mais lui offre une sorte d’immortalité puisque ce faisant il devient un joueur de saxo holographique pour les bars à la mode, cette version étant identique tant sur le plan physique qu’au niveau de son répertoire et de sa manière de jouer. Nous avons là notre point A et notre point B. Reste à définir les étapes qui vont de ce joueur sur le déclin en quête de reconnaissance et ce qu’il devient au final, soit un homme qui accepte de mourir pour devenir un simple hologramme utilisé dans les bars. Il faut alors répondre à diverses questions : pourquoi est-il sur le déclin ? Quelles sont ses aspirations ? Comment découvre-t-il l’existence de ce programme ? Pourquoi est-il intéressé par cette option ? Etc. Après tout ça, la rédaction peut débuter et je n’ai aucune idée de ce qui va se passer, ni où, ni comment, ni avec qui, à l’exception de mes personnages principaux définis dans le plan général et de mon intrigue. Après, tout ce qui est périphérique à tout ça (lieux de l’action, dialogues, personnages secondaires, événements d’arrière-plan, descriptions) est le fruit de mon imagination au moment de l’écriture. Parfois ça fonctionne, parfois je dois reprendre un même passage plusieurs fois jusqu’à trouver le bon rythme et le bon décorum.
EFDLT : Bien. Et comment tu fais pour enrichir tes univers de détails réalistes ? Tu écris d’abord sur ce que tu connais ou tu te renseignes sur ce qui te donne envie d’écrire ?
Thomas DEBELLE : Les deux mon général ! En fait comme tout « geek » (terme décidément très en vogue ces derniers temps), j’ai la chance de m’intéresser à énormément de sujets : comics, cinéma, BD, littérature, politique, géographie, cultures diverses, jeux de rôles ou vidéo, création numérique et nouvelles technologies … j’ai le sentiment que mon champs d’intérêts est sans fin et s’alimente quotidiennement de nouveaux domaines. Cette immense curiosité propre à tous les geeks, me permet de partir à la découverte de moult sujets qui deviennent autant de sources d’inspiration. Donc oui : la base de mon travail est composée de ce que je connais. Mais je ne me ferme aucune porte et je note beaucoup beaucoup de choses sur des sujets aussi variés que la publicité, l’économie, la vie quotidienne, les évolutions techniques ou humaines, tout ce qui peut m’apporter de la matière. Enfin lorsque j’arrive sur un terrain que je ne connais pas, mais que je souhaite explorer ou mettre en scène, alors je fais plus que me renseigner (ce qui est sans doute aussi une déformation professionnelle du fait que je suis journaliste) et je lis des bouquins, je vais à la rencontre de personnes qui sont initiées, etc. Du fait que mon univers cyberpunk soit si proche et fidèle à ce que pourrait devenir le nôtre dans quelques années, je suis obligé d’avoir une certaine connaissance de ce qui se fait et de comment cela pourrait évoluer. Par contre, lorsque j’écris des choses plus contemporaines ou de la fantasy, la démarche est un peu différente. La fantasy par exemple me fait plutôt me tourner sur l’Histoire et la mythologie, avec une bonne dose d’imaginaire… Enfin, les livres pour enfants que j’écris se reposent principalement sur mes propres souvenirs et mes peurs d’enfants, les thèmes que souhaitent me voir développer mes enfants dans les histoires que je leur raconte, etc.
EFDLT : Ouah ! T’écris des livres pour enfants ?!
Thomas DEBELLE : Comme je te le disais précédemment, mon champ d’activité est assez étendu puisque je suis un fan absolu des productions Disney (dont l’exceptionnel et indispensable Belle au Bois Dormant), tout en étant un spécialiste du gore et de l’horreur (je travaille pour l’Ecran Fantastique depuis des années maintenant). Alors c’est vrai qu’en lisant mes écrits cyberpunk-glauques et souvent torturés pour ne pas dire névrosés, il est difficile de penser que j’écris aussi des comédies romantiques et surtout des livres pour enfants.
J’ai commencé ces derniers il y a une dizaine d’années. A l’heure actuelle j’ai trois séries en développement, et je suis évidemment à la recherche d’un éditeur et même d’illustrateurs ! Deux séries ont des ambitions pédagogiques ou éducatives, l’idée étant d’aider les enfants (et les parents) à surmonter certaines difficultés des petits. A titre d’exemple, je travaille en collaboration avec ma femme, qui est orthophoniste, sur une série abordant les problèmes du langage. Enfin la troisième série s’inscrit dans la veine des Contes des 1001 Nuits en mettant en scène un personnage récurrent à qui il arrive toutes sortes d »aventures extraordinaires (ma fille adore ces histoires et c’est souvent elle qui me trouve les thèmes qu’elle veut que j’aborde). J’adore écrire pour les enfants – ce que je fais souvent en presse – car c’est un public fascinant dont je me sens très proche …
Suite et fin de cet entretien dans un prochain billet !