Suite de ma discussion avec Gilles PASCAL à propos de son travail de dessinateur BD sur l’Irlandaise (éditions du Point d’Exclamation).
EFDLT : Tu parles de tourner en rond sur le premier tome… qu’est-ce qui provoquait ces blocages et surtout : qu’est-ce qui a relancé la machine ?
Gilles PASCAL : C’est moi qui tournais en rond graphiquement, étant dans une phase constante d’apprentissage. C’était la première fois que je me lançais dans une grande aventure. Mon style n’était pas affirmé, mes choix graphiques non plus. Je faisais de l’illustration auparavant, variant le style en fonction de la demande. Pour la BD, j’étais parti sur un style semi-réaliste (tendance Marini ) qui a dévié progressivement vers un style plus réaliste.
Du coup il a fallu que je redessine les premières pages. Aussi avec les promesses antérieures d’éditions, nous avons du revoir nos copies à chaque fois. Le flou total, quoi…
EFDLT : En gros, vous aviez démarré trop vite sans savoir où vous alliez… Aujourd’hui, tu as conscience de l’importance du travail en amont. Selon toi, quels sont les points clés d’une préparation optimale ?
Gilles PASCAL : Ce n’est pas du tout ça, on savait dès le départ ou on allait. Le pitch complet était écrit, même la scène finale de la fin de la trilogie. Tout est parti d’ une illustration représentant une jemme femme habillée style western. A partir de là tout a démarré. Mais j’étais débutant en matière de narration dessinée.
Quand je parlais de tourner en round c’était juste des incertitudes au niveau du graphisme qui m’ont obligé à revenir en arrière pour rectifier ce qui, à mon goût, était maladroit. Le point clé, c’est une cohésion totale entre les différents acteurs : dessinateur, scénariste et éditeur. Le reste n’est qu’ajustement… Croire et tenir en son projet.
EFDLT : D’accord. Donc tout était bien solide au niveau de l’histoire. Parfait. Quels sont les points forts d’une histoire qui tient la route ?
Gilles PASCAL : Je ne peux pas parler en général mais pour notre histoire : une montée en puissance de la dramatisation, des points forts. Une imbrication logique des événements (d’où l’ irruption de bouts de flash-back). Des personnages ayant une consistance. Mais Jacques pourrait mieux répondre à cette question.
EFDLT : Un des pièges de la BD historique, c’est la nécessité d’exactitude dans les faits. Parle-nous de ta recherche documentaire !
Gilles PASCAL : En fait l’histoire se déroule un contexte historique (la Guerre de Sécession, pour le tome 2). Tous les éléments sont vrais et vérifiables. Mais, dans le cas présent, ils ne servent que de toile de fond à l’intrigue. Nous n’avons pas voulu faire une BD historique. Dans le tome 2, Jacques a trouvé un élément historique et anecdotique vérifiable, et il a constaté qu’il s’intègrerait parfaitement dans l’histoire, sans desservir la diégèse générale. C’est ce que je racontais plus haut en parlant d’éléments survenant en cours d’élaboration . D’un point de vue graphique, je ne m’attache pas trop aux détails historiques (costumes et autres), je trouve dans mon cas que ça me bride si je dois rester absolument fidèle… Je me suis permis quelques libertés sur certains détails du décor ou costumes. Ainsi le saloon du début est purement inventé, les costumes des Irlandais : des réminiscences du film « Gangs of New York », l’escalier de la couverture est un escalier de la maison familiale, quelques robes émanent d’une autre époque, la pendule de la grand-mère, etc. Le tout pour moi est de donner l’impression d’une autre époque… Je me suis quand même fait engueuler une fois par un puriste de la guerre de sécession (vrai !) parce que je n’avais pas respecté scrupuleusement les galons des soldats, certaines armes, le harnachement d’un cheval, etc. Le mec avait tout regardé à la
loupe et au final il m’ a quasiment insulté…
EFDLT : Et la césure entre le tome 1 et le tome 2, c’est compliqué à gérer ?
Gilles PASCAL : Pas du tout, car dans la logique de l’écriture de Jacques est mis toujours en exergue un point culminant (dans le tome 1, il s’agit du duel) autour duquel s’articule les scènes du reste de l’histoire. Ces scènes correspondent à la confrontation du personnage principal face aux événements historiques (la Guerre de Sécession), aux protagonistes qu’elle rencontre , à sa personnalité qui s’affirme, et enfin des réminiscences de sa vie passée (d’où l’utilisation de nombreux flash-backs).
Donc en partant de ce postulat de base, il n’y a pas – a priori – de problèmes pour les césures.
EFDLT : Le prochain tome avance bien ? Il sortira quand ?
Gilles PASCAL : Le tome 2 avance, il est prévu pour l’automne 2009.
EFDLT : Parfait, je serai au rendez-vous !