Erik Svane est un scénariste parisien à la double nationalité danoise et américaine. Eh oui. Depuis plusieurs semaines, nous avons collaboré sur divers projets de bandes dessinées, dont une histoire courte sur les Vikings en hommage au dessinateur Peter Madsen (Valhalla) qui sera publiée au Danemark. Pour fêter notre bonne entente, je vous propose de découvrir un entretien avec le grand blond (car oui, comme tous ses compatriotes scandinaves, il est grand et il est blond).
En Français dans le Texte : Salut Erik. On se connaît depuis qu’on a collaboré sur sur le premier album de la série « Général Leonardo » sorti en mai 2006 chez Paquet. Cette BD avec le dessinateur Dan Greenberg, c’est ta première qui est publiée mais je sais, pour en avoir déjà parlé avec toi, que tu as eu une vie des plus intéressantes. Parle-nous un peu de tes multiples expériences.
Erik SVANE : « Une vie des plus intéressantes » ? Pas quand j’étais livreur de pizzas en Louisiane, assurément.
EFDLT : Tu sais, j’ai toujours pensé que ce genre de boulot à la con, ça faisait de toi un homme. Je veux dire, pour comprendre la vie et pour comprendre les gens, c’est bien d’être obligé de se sortir les doigts du cul. Alors, dis-moi, t’as failli mourir combien de fois en livrant tes pizzas ?
Erik SVANE : Aucune. J’étais en Amérique (à Baton Rouge, pour être précis), et là-bas, les livraisons, comme tout le reste, ça se fait en voiture.
EFDLT : Forcément. Bon, et sinon, tu as vécu où ?
Erik SVANE : J’ai eu la chance de vivre dans plusieurs pays — et plusieurs parties du monde — différents : Danemark, États-Unis, Belgique, Suisse, Tchécoslovaquie, Brésil, Caraïbes.
EFDLT : Où ça, dans les Caraïbes ?
Erik SVANE : À Saint-Martin. J’ai passé six mois sur cette île franco-hollandaise pour une comédie musicale que j’avais aidé à écrire et dans laquelle on m’avait demandé de tenir le rôle principal.
Durant tout ce temps, l’écriture a toujours formé un point central de ma vie. Mais même quand j’étais journaliste, j’ai toujours voulu faire de l’écriture créative, que ce soit au cinéma ou dans le monde de la BD…
EFDLT : Tu étais journaliste ? Raconte !
Erik SVANE : Si on ne compte pas les journaux de fac et de lycée, ma carrière a commencé en Louisiane où j’ai travaillé pour un mensuel bilingue sur la tradition française dans l’État, journal qui portait le nom original de… « Louisiane » (en français dans le texte). Ensuite je suis venu à Paris, où j’ai travaillé pour des boîtes aussi variées que le Reader’s Digest, Sipa Press, et la Lettre de l’Océan Indien.
EFDLT : Pas mal. Et au cinéma ?
Erik SVANE : En fait, au cinéma, j’y ai eu plus l’occasion de travailler comme comédien que comme scénariste… Mais il y a beaucoup de parallèles entre le Huitième Art et le Neuvième…
Pour beaucoup de gens, le travail du scénariste se borne (pour ainsi dire) à écrire son histoire et ses scènes et à les envoyer au dessinateur, et son travail s’arrête là. Ça peut marcher pour d’aucuns, mais moi je ne peux pas travailler comme ça. Pour moi, ça se passe comme sur un plateau de cinéma à l’américaine plutôt que sur un film d’auteur européen. Dans un film de Hollywood, le metteur en scène, les techniciens, et les comédiens se concertent sur chaque plan pour avoir le meilleur résultat possible et on ne donne pas l’ordre de tourner avant que chaque membre de l’équipe est convaincu que le résultat optimal sera obtenu.
Pour transposer dans le monde de la BD, cela veut dire qu’une fois que le crayonné est terminé, moi et le dessinateur le regardons ensemble (chacun de son côté s’il n’habite pas à Paris) pour voir ce qui peut être amélioré. Cela peut très bien être une de mes idées qui doit être améliorée. Par exemple, la grande case de bataille qu’a faite Dan Greenberg dans le premier volume de « Général Leonardo » planche 42 (page 44) est dix fois mieux que je ne l’avais imaginée.
Ajoutons qu’il ne faut pas prendre la comparaison cinéma/BD trop loin. Est-ce que la relation entre le scénariste (de BD) et le dessinateur est similaire à celle entre le scénariste (de cinéma) et le metteur en scène ou est-elle plutôt similaire à la relation entre le metteur en scène et le cameraman, voire à la relation entre le cameraman et les comédiens ? C’est difficile à dire, et la comparaison n’est donc peut-être pas entièrement juste.
EFDLT : Toujours dans le cinéma, tu as joué dans quoi ?
Erik SVANE : Un de mes plus grands moments de bonheur a été de tourner à la télévision avec Omar Sharif. Sinon, quand Canal + a besoin d’un soldat ou d’un marine américain, ils font souvent appel à moi. Durant mon passage au Brésil, j’ai eu l’occasion de jouer dans des novelas et des films brésiliens, notamment « Bossa Nova » et « For All: Springboard to Victory ». Ce dernier racontait une partie peu connue de l’histoire brésilienne, sa participation à la Seconde Guerre Mondiale du côté des alliés. Les Américains avaient une demi-douzaine de bases le long des côtes brésiliennes, et dans ce film, je jouais un membre de l’U.S. Navy.
C’est au Maroc que les Américains des années 1940 ont effectué leurs premiers combats. Et si l’on prend une carte du monde, l’on verra que l’Atlantique est à son point le plus étroit entre l’Amérique du Sud et l’Afrique ; d’un point de vue purement statistique, donc, c’était a priori la partie la moins dangereuse pour une traversée de l’océan, et la flotte se servait du pays sud-américain en quelque sorte comme un tremplin pour le Vieux Continent. D’où le sous-titre du film : « tremplin pour la victoire ». Dans l’une des scènes du film, on voit Franklin Roosevelt rendre visite au président brésilien de l’époque, Getúlio Vargas.
EFDLT : Eh bien, Erik, merci pour ces réponses et à très bientôt ici pour parler de ton futur projet BD !