Transcréation BD

Negan, anti-héros inoubliable de la série comics The Walking Dead.
Transcréation BD : traduire, ce n’est pas copier

Il y a des mots qu’on découvre tard, alors qu’ils décrivent exactement ce qu’on fait depuis des années. « Transcréation » en est un parfait exemple.

Ce terme, issu du monde du marketing international, désigne une forme évoluée de traduction : il ne s’agit pas de transposer mot à mot, mais de recréer un message dans une nouvelle langue, en conservant son ton, son intention et son effet. Autrement dit, dire la même chose… mais autrement. Et mieux encore : produire le même impact émotionnel.

Transcréation BD : faire parler les héros comme chez nous

Quand j’ai découvert ce mot, j’ai aussitôt pensé à mon travail sur les comics, et notamment sur Walking Dead. Depuis plus de vingt ans, je ne me contente pas de traduire : j’adapte. Mon objectif est clair : que chaque dialogue sonne juste, que chaque personnage s’exprime comme s’il avait grandi ici. Je veux que les répliques claquent dans les bulles, que l’émotion passe sans filtre.

Negan en VF (transcréation par mes soins).

Qu’est-ce que je me suis marré à faire parler Negan en VF. Les meilleurs années de ma vie, bordel.

C’est ce que j’ai tenté avec Negan. Et à en croire les lecteurs, ça fonctionne : beaucoup m’ont confié qu’ils préféraient sa version française. Peut-être parce qu’elle pousse à fond sa gouaille, sa vulgarité créative, son sens de la formule. C’est là tout l’intérêt de la transcréation BD : réécrire sans trahir.

Transcréation BD : un travail d’auteur à part entière

Adapter un comic book, c’est jongler avec les références, les registres de langue, les codes culturels. C’est faire vivre un personnage étranger dans un univers familier au lecteur francophone. La difficulté, c’est de rester fidèle… tout en étant libre.

Ce que je propose à un éditeur, ce n’est pas une version française du texte anglais : c’est un nouvel habillage, pensé pour le public d’ici, avec le même esprit, la même énergie. Une VF qui ne sent pas la traduction. Une version vivante.

C’est pourquoi je revendique souvent le titre d’adaptateur, plus juste à mes yeux. La transcréation BD, c’est aussi de la création. Et j’en suis fier.

Un entraînement narratif pour tous les terrains

Ce que la transcréation m’a appris dépasse largement le cadre d’une case de BD. En jonglant avec les registres, en captant les sous-entendus, en modulant le ton d’un personnage, j’ai affûté un vrai sens du rythme narratif. Ce savoir-faire, je l’applique désormais à d’autres projets : qu’il s’agisse d’écrire une accroche pour une campagne de communication, de scénariser un pitch transmédia ou d’imaginer un dialogue pour une série webtoon, je mobilise les mêmes réflexes. Reformuler sans dénaturer. Capter l’essence d’un message pour le rendre plus percutant. La transcréation m’a appris à raconter juste, dans la langue du public. Et ça, c’est un super-pouvoir que je n’aurais jamais développé sans les comics.

On sous-estime encore trop la puissance d’une bonne adaptation. On la relègue à un travail de coulisse, invisible, presque mécanique. Mais ceux qui savent… savent. Chaque bulle bien traduite, chaque silence respecté, chaque réplique réinventée est un choix. Et dans ce choix, il y a une responsabilité : celle de porter un récit, de l’ancrer dans une autre langue sans l’amputer de son âme. La transcréation n’est pas un luxe ou une coquetterie. C’est une exigence. Et tant qu’on continuera à publier des œuvres venues d’ailleurs, il faudra des gens pour leur donner une voix d’ici. Authentique, vibrante, fidèle dans l’esprit mais infidèle dans la lettre – parce que c’est comme ça qu’on fait vivre une histoire. Grâce à un transcréateur humain, plus émouvant que toutes les IA du marché.