Le danger du dogme woke est réel. Cette doctrine inébranlable a pour but avoué de déconstruire les valeurs de nos sociétés modernes pour faire table rase du passé. Pour cette secte, en temps qu’homme blanc hétéro bientôt cinquantenaire et chef d’entreprise, je représente le mal absolu. Je suis une cible à abattre, une statue à déboulonner.
De l’éveil à l’orthodoxie : la métamorphose du mouvement woke
Aux origines, le wokisme est un mouvement culturel ambigu qui trouve ses racines aux États-Unis dans le mouvement civil des droits des années 60. Bien que son essence soit née d’une quête sincère de justice et d’égalité, la définition du wokisme a muté, englobant désormais une large gamme de causes, allant des LGBT au réchauffement climatique.
À l’aube de son émergence, le mouvement woke était symbolique d’une prise de conscience – un éveil face à une réalité parsemée d’injustices, d’oppressions et de discriminations systémiques. Ce mouvement, né d’une volonté de rectification, avait pour but de mettre en lumière les inégalités et de promouvoir un changement social positif. Mais comme dans tout mouvement doté d’une puissante charge émotionnelle, le risque de dérapage et de radicalisation est toujours latent.
Le point de départ du mouvement était une réaction à une réalité injuste. Les injustices, qu’elles soient basées sur la race, le sexe, la classe sociale ou l’orientation sexuelle, étaient omniprésentes, voire parfois normalisées. Le terme « woke », enraciné dans le langage afro-américain, était un appel à rester éveillé et vigilant face à ces problèmes. Il s’agissait de reconnaître les structures oppressives, et de travailler à leur démantèlement.
Le glissement vers l’orthodoxie : l’installation du dogme woke
Avec le temps et peut-être à cause d’une adoption massive du concept par différents groupes via les réseaux sociaux, une certaine forme d’orthodoxie a commencé à s’instaurer. Là où le mouvement avait pour vocation d’ouvrir les yeux et de sensibiliser, il a progressivement érigé ses propres barrières doctrinales. Cette orthodoxie se traduit par un ensemble de croyances et de normes rigides auxquelles tous les membres sont censés adhérer. Dans cette dynamique, le mouvement qui prônait à l’origine la tolérance et l’inclusion s’est retrouvé à exclure et à marginaliser ceux qui ne partageaient pas ses vues exactes.
Les symptômes de la radicalisation
La manifestation la plus évidente de cette radicalisation est l’attaque ad hominem. Au lieu de discuter et de débattre des idées, certains membres du mouvement ont commencé à attaquer directement les individus sur la base de leurs caractéristiques personnelles ou de leur identité. Ces attaques, loin d’être constructives, érodent la base même du dialogue et de la compréhension mutuelle. De plus, l’intolérance face à la dissension est devenue palpable. Dans un mouvement aussi diversifié, des désaccords sont inévitables. Au lieu d’embrasser cette diversité d’opinions, la tendance a été d’évincer ou de réduire au silence ceux qui osent remettre en question la doctrine établie : la cancel culture résout tous les problèmes.
Enfin, l’utilisation d’arguments circulaires est devenue monnaie courante. Ces arguments, où la prémisse et la conclusion se confondent, empêchent tout véritable débat. Ils créent une impasse où toute critique ou remise en question est automatiquement rejetée comme non valide ou même traitée comme une preuve supplémentaire du bien-fondé de l’argument initial.
La transformation du mouvement woke d’un éveil face à l’injustice à une orthodoxie rigide est une leçon sur les dangers de la radicalisation. Pour qu’un mouvement reste fidèle à ses valeurs fondamentales, il doit constamment s’auto-évaluer et s’auto-corriger. Sans introspection et ouverture au débat, même les causes les plus nobles peuvent se perdre dans le dogmatisme.
Wokisme et complotisme : l’engrenage de l’intolérance
Au cœur de nombreux mouvements sociaux, le désir d’instaurer un changement positif est sincère et noble. Cependant, comme toute idéologie ou mouvement qui gagne en traction, il peut être sujet à des dérives. Le wokisme, bien que fondé sur la quête de justice et d’égalité, n’échappe pas à cette tendance. Une dérive notable est son rapprochement inquiétant avec le complotisme, une orientation qui mène à l’intolérance face à toute forme de désaccord. La simplification excessive d’un monde complexe, loin de favoriser la compréhension de notre environnement, empêche un éveil complet à la réalité globale, et maintient les adeptes de la secte dans un état de sommeil critique.
L’une des raisons pour lesquelles le complotisme est séduisant est qu’il propose des réponses simples à des problèmes complexes. De même, le wokisme, dans sa forme extrême, peut céder à la tentation de tout attribuer à un « système » omnipotent. Ce système, souvent présenté comme une entité abstraite et toute-puissante, serait à l’origine de toutes les inégalités et injustices. Cette simplification excessive prive le débat de nuances et d’analyses approfondies.
L’externalisation de la responsabilité
En attribuant toutes les inégalités et discriminations à un système extérieur, il devient facile pour les individus de se dédouaner de toute responsabilité. Cette externalisation est dangereuse car elle entrave la prise de conscience individuelle et collective nécessaire pour instaurer un véritable changement. Si tout est la faute d’une force extérieure omnipotente, comment un individu peut-il se sentir responsabilisé à agir ou à changer ?
Avec l’émergence de cette vision complotiste, tout désaccord ou critique devient suspect. Au lieu de voir le désaccord comme une occasion d’enrichir le débat, de le nuancer ou de l’approfondir, il est perçu comme une menace.
Cette méfiance à l’égard des opinions divergentes compromet l’échange d’idées et érode le fondement même de la démocratie : le dialogue. Ceux qui osent s’opposer ou même questionner certains aspects du discours woke se retrouvent rapidement étiquetés comme des ennemis, des traitres ou, pire encore, comme des marionnettes du système. Cette attitude, en isolant et en diabolisant ceux qui pensent différemment, crée un environnement où la peur de la répression l’emporte sur le désir d’expression.
Selon le dogme woke, tout écart est une trahison
Le wokisme, associé à une vision complotiste, instaure une dynamique où ne pas adhérer entièrement à la doctrine est perçu comme une trahison. Cette perception est d’autant plus renforcée lorsque le dissident est issu du même groupe social ou ethnique que la majorité des adhérents. Être en désaccord, dans ce contexte, n’est pas seulement une divergence d’opinion, mais un acte de trahison envers sa propre communauté.
La convergence du wokisme et du complotisme est une alarme pour les mouvements sociaux et pour la société en général. L’intolérance face aux désaccords, couplée à une vision simplifiée et complotiste du monde, est un obstacle majeur à la progression et à la réalisation des idéaux de justice et d’égalité.
Infalsifiabilité et logique circulaire : le piège doctrinal du wokisme
La rhétorique woke redéfinit certains termes de manière circulaire. Prenons par exemple le concept revisité du racisme. Selon le dogme woke, le racisme n’est pas seulement compris comme une préjugé contre une race, mais comme une combinaison de préjugés et de pouvoir. Selon cette définition, seuls ceux qui détiennent le pouvoir peuvent être racistes. Mais cela conduit à une tautologie : si quelqu’un appartient à un groupe considéré comme puissant (par exemple, les blancs dans les sociétés occidentales) et montre un préjugé, ça confirme la définition. Si, en revanche, une personne d’un groupe minoritaire montre un préjugé, ce n’est pas considéré comme du racisme car elle n’a pas de « pouvoir ». La prémisse de départ (qui détient le pouvoir) détermine la conclusion, rendant le terme « racisme » insaisissable et sujet à des débats incessants.
Ce type de raisonnement a des implications profondes. Non seulement il ferme le débat, mais il crée également une atmosphère où les idées ne sont pas examinées de manière critique. On se sent piégé, incapable de contester ou de questionner le moindre argument sans être discrédité, taxé de racisme ou de sexisme. Dans l’environnement woke, le conformisme est valorisé au détriment de la réflexion critique.
La polarisation sociétale en Europe : la radicalisation de la gauche et le dogme woke
L’Europe est confrontée à une polarisation croissante de sa société. Une étude récente menée par le centre MIDEM de l’Université technique de Dresde a mis en lumière cette tendance inquiétante. Mais quels sont les facteurs sous-jacents de cette division ?
La radicalisation des mouvements de gauche est l’un des éléments clés de cette polarisation. Au lieu de promouvoir un dialogue ouvert et constructif, certains groupes de gauche ont adopté une approche plus radicale, rejetant tout discours qui ne correspond pas à leur vision du monde. Cette radicalisation a créé un fossé entre différents groupes sociaux, rendant le dialogue et le compromis de plus en plus difficiles.
De plus, le dogme woke, qui prône une intolérance sectaire envers toute opinion divergente, a exacerbé cette division. Au lieu de favoriser l’inclusion et la diversité, ce dogme a souvent conduit à l’exclusion de ceux qui ne partagent pas les mêmes opinions ou croyances. Cette intolérance a créé un environnement où le débat est étouffé, et où la conformité est privilégiée au détriment de la diversité d’opinion.
Face à cette polarisation croissante, tous les acteurs politiques feraient mieux de s’engager dans un dialogue ouvert et constructif pour surmonter ces divisions et travailler ensemble pour l’avenir de l’Europe. Bien que le wokisme prenne ses racines dans des préoccupations légitimes concernant l’injustice et l’inégalité, son évolution actuelle est contre-productive. Le danger du dogme woke est réel. Seule une discussion nuancée et ouverte peut conduire à un véritable changement.