Depuis que je collabore avec les éditions Bac@BD, je surveille de près leur production. C’est ainsi que j’ai lu « les Nœils » de Lamisseb, recueil de strips gaguesques mettant en scène… des yeux. J’ai posé quelques questions à l’auteur à propos de la création d’une bande dessinée humoristique comme la sienne.
Tourriol.com : Salut Lamisseb, je viens de terminer la lecture de ta BD « Les Nœils » et j’ai remarqué que tu utilisais plusieurs types d’humour. Est-ce que tu pourrais me dire quelle technique tu utilises pour trouver tes gags ? Qu’est-ce qui te sert d’inspiration ?
Lamisseb : Je dois bien l’avouer : l’idée de me lancer sur un album prévoyant près de 180 gags m’a donné le vertige au départ. Mais en combinant plusieurs techniques de recherche d’idée, et en partant sur des pistes humoristiques variées, la quantité de gags ne s’est pas avérée si difficile à atteindre. Pour les techniques, j’ai par exemple recherché sur le net et listé toutes les expressions communes liées aux yeux et à la vue : « avoir le compas dans l’œil », « se fourrer le doigt dans l’œil »…
Je me suis également penché sur tout le champ lexical concerné : les accessoires liés à l’œil, les métiers, les maladies… Mais il était important de ne pas « enfermer » l’humour dans de simples jeux de mots ni même dans le seul domaine oculaire. Aussi, en jetant sur le papier différents thèmes de société tels que le couple, les enfants, les différences ethniques, la sexualité ou encore la vieillesse, des parallèles très intéressants me sont apparus et de nombreux gags en ont découlé.
Et puis, il y a leur forme atypique qui m’a permis de soulever des questions absurdes. Je pense par exemple au Nœil qui s’est acheté des chaussures.
La recherche de gags, c’est un travail à la fois passionnant et aléatoire, presque alchimique. Il m’est arrivé de plancher toute une matinée sans tirer une idée valable, comme de sortir deux pages de gags scénarisés en seulement deux heures.
Le résultat, je l’espère, c’est que les gags changent régulièrement de « terrain » humoristique pour mieux surprendre le lecteur.
Tourriol.com : Et en arrivant à la fin de l’album, en matière de gags, il t’en restait encore en réserve ou tu as vraiment mis tout ce que tu avais ? Si Bac@BD te propose de signer un deuxième tome tout de suite, tu as de quoi te renouveler ?
Lamisseb : Oui, il me restait quelques gags en réserve quand j’ai bouclé la dernière page. Et puis il y a encore beaucoup de pistes à explorer, de thèmes à aborder. J’ai notamment gardé sous le coude l’exploration spatiale, et j’ai d’autres idées liées à la vie de couple. Et puis il y a aussi plusieurs expressions liées à l’œil et à la vue que je n’ai pas encore exploitées.
Si j’en ai l’opportunité, je partirais sur un second tome sans hésiter. J’aimerais juste prévoir plus de temps pour la partie scénario.
Tourriol.com : Quand tu parles de « thèmes à aborder », j’imagine que tu penses à un traitement comme le thème des pirates dans le tome 1 ? Quelle est la différence de traitement entre l’humour choc du gag en un strip et l’humour plus complexe du « thème » ? Comment tu écris tout ça ?
Lamisseb : En fait, quand je parle de thème, je pense aux séries de gags par exemple sur les super-héros, la séduction, les enfants, les vacances à la mer… La parenthèse « Francis-John Dexford », c’est un délire né de l’idée qu’une rupture dans le rythme narratif permettrait d’aérer la lecture de l’album. Et je crois que ça fonctionne.
Mais effectivement, construire une histoire sur ce mode-là, ça a demandé une autre gymnastique. Concrètement, j’ai imaginé une ligne narrative en partant de l’idée marrante d’un explorateur qui serait parti prouver que le monde est carré. J’ai alors cherché des situations-clefs : il croise des pirates, il découvre une ile, il fait naufrage. Ensuite j’ai jeté des idées de gags liées à ces situations-clefs, et enfin j’ai rédigé et découpé tout ça proprement pour obtenir un déroulement dynamique.
La première version de cette mini-histoire s’étalait sur plus de pages. Arnault (l’éditeur) a pensé qu’il vaudrait mieux raccourcir un peu et tâcher d’avoir quand même environ un gag par ligne. À ce moment-là pour moi, ça a viré au casse-tête chinois mais … ça l’a fait !
Tourriol.com : Quel conseil donnerais-tu à un scénariste qui veut écrire de la BD d’humour à base de gags ?
Lamisseb : Des conseils, j’en ai encore beaucoup à prendre et peu d’expérience pour en donner. Et puis chacun a une tournure d’esprit qui rend telle ou telle méthode de travail adaptée ou non à sa propre personnalité.
Je peux quand même conseiller d’avoir toujours de quoi noter. Il faut rester « en veille » pendant toute la vie quotidienne parce qu’une idée de gag peut venir n’importe quand. Si ça vient dans la douche, il faut au moins un peu de mémoire à court terme pour aller la noter après… ou un bloc-notes waterproof !
Tourriol.com : Merci, Lamisseb. Et bon courage pour la suite des Nœils en BD !
À propos de Bac@BD :
L’éditeur Bac@BD publiera en 2011 « La France de Tout en Bas », réalisé par le studio MAKMA.
