« Oh non, pas encore une énième saga d’Heroic Fantasy ! » C’est ce que je me suis dit quand j’ai vu arriver cette BD. Certes, il n’y a ni hobbit ni elfe : on est chez les Vikings. Première impression de lecture : le casting lui-même est très réussi. Chaque fonction est bien remplie, chaque personnage bien introduit. Et soudain, au bout de quelques minutes à feuilleter l’album, la révélation… comme lorsque Neo voit le code défiler sous ses yeux dans Matrix, je comprends de quoi parle la BD (pas dur, tout est dans la première page… j’aurais dû lire avec plus d’attention).
En vérité, Aslak est une véritable saga méta textuelle sur l’art de raconter les histoires. Le conteur, père du héros, se fait exécuter par le roi viking parce qu’il raconte encore et toujours la même histoire. La quête du héros matérialise la nécessité d’innover quand on raconte une histoire : pas de place pour le plagiat ou la redite.
De même, dans les premières pages, la scène du coupage de tête symbolise aussi le rejet d’un projet BD par l’éditeur. « Virez-moi ça et revenez me voir dans un an avec du neuf. Sinon, vous dégagez pour de bon ! » Eh oui, tous les apprentis bédéastes ont un jour rencontré leur roi viking. Ils ont vu des têtes tomber. Mais ils sont partis chercher de nouvelles histoires.
Là, le héros part en quête du « premier conteur ». Est-ce le symbole d’une recherche théorique ? La recherche d’un mentor ? C’est avant tout l’apprentissage du métier de scénariste : l’acquisition d’expérience pour nourrir ses histoires. En effet, si le premier conteur lui-même a tout appris dans un livre magique (autant qu’il en a pu retenir), il est resté limité par cette lecture, sans pouvoir décoller du modèle.
Ce qu’on en retient, c’est que la théorie, c’est bien pour commencer mais si on n’est pas capable d’inventer par soi-même, on est condamné à répéter sans cesse le même schéma.
Pour le raconteur d’histoire, l’auteur de bande dessinée, le dramaturge, la vraie magie réside en chacun de nous, pas dans un livre improbable. D’ailleurs, le personnage de l’oracle (qui n’a pas prévu le danger qui l’attendait) est sans doute aussi un moyen de dire que la théorie, ça tombe juste ou ça tombe faux… mais qu’il est impossible de prévoir si une histoire va fonctionner ou pas.
En gros : étudier la dramaturgie, c’est bien, mais ça ne suffira pas pour autant à raconter une bonne histoire. C’est à l’auteur d’y mettre du sien, s’il veut que son œuvre ait une âme.
À titre personnel, je reste convaincu qu’il est important d’étudier la théorie de l’écriture. Néanmoins, je suis aussi d’accord sur ce principe : une fois qu’on a compris comment articuler la structure de son histoire, on a un squelette. Pour obtenir un bonhomme complet, il reste du chemin !
[Technorati : 7B562D6TQ6JB]