Cette année (ou l’année prochaine, hein…), je compte bien écrire mes propres contes de fées. Ou de Noël. Ou de je ne sais quoi. En tout cas, j’étudie sérieusement la théorie parce que c’est très intéressant pour quiconque prétend raconter des histoires. Je continue à propos des travaux de Vladimir Propp sur la morphologie des contes de fées.
Dans le billet précédent, nous avons vu la séquence d’introduction facultative des contes folkloriques. Nous attaquons à présent la partie obligatoire, le corps du conte. Là, on entre dans l’intrigue qui se noue au moment du méfait.
L’agresseur nuit à un des membres de la famille ou lui porte préjudice. C’est cette fonction qui donne au conte son mouvement : l’agresseur enlève un être humain, il vole ou enlève un objet magique (ou il supprime violemment un auxiliaire magique : il coupe le cou de l’oie merveilleuse, il égorge la vache magique, il pille ou abîme ce qui a été semé). L’adversaire peut ravir la lumière du jour, faire subir des dommages corporels, provoquer une disparition soudaine, chasser quelqu’un ou donner l’ordre de jeter quelqu’un à la mer. Il ensorcelle quelqu’un ou quelque chose, il effectue une substitution, il donne l’ordre de tuer quelqu’un (cas d’expulsion renforcée). Il accomplit un meurtre. Il emprisonne quelqu’un. Il veut obliger quelqu’un à l’épouser (parfois entre proches parents comme dans Peau d’Âne). Il menace d’accomplir des actes de cannibalisme. Il tourmente quelqu’un chaque nuit. Il déclare la guerre. Le dragon dévaste le royaume…
Conséquence : il manque quelque chose à l’un des membres de la famille. Ou bien l’un des membres de la famille a envie de posséder quelque chose : manque d’une fiancée, d’un objet magique, d’un objet insolite, d’argent…
Une fois nouée, l’intrigue se développe. La nouvelle du méfait ou du manque est divulguée. On s’adresse au héros par une demande ou un ordre. Le roi appelle au secours et fait des promesses de récompenses. Ou bien il donne un ordre accompagné de menaces. Le héros est envoyé (ou laissé partir). Le héros peut masquer ses intentions : il dit à ses parents qu’il va se promener alors qu’en fait, il part se battre. La mère raconte à son fils l’enlèvement de sa fille qui a eu lieu avant sa naissance. Le héros chassé est emmené loin de chez lui. Le père emmène dans la forêt sa fille chassée par la marâtre. Le héros condamné à mort est secrètement libéré. L’archer épargne la jeune fille, la libère et tue à sa place un autre animal dont il ramène le cœur et le foie. On chante un chant plaintif (dans le cas d’une mort).
Le héros quêteur accepte ou décide d’agir. C’est le début de l’action contraire. On assiste à une déclaration d’intention. Le héros part libérer la princesse.
Le héros quitte sa maison. Il assiste à l’entrée en scène d’un nouveau personnage : le donateur (le pourvoyeur). Ce dernier est souvent rencontré par hasard par le héros : sur une route, dans la forêt… Le héros reçoit de lui un moyen qui lui permettra de réparer le tort subi. Le héros est soumis à diverses actions avant d’entrer en possession de l’objet.
Le héros subit une épreuve, un questionnaire, une attaque… qui le préparent à la réception d’un objet ou d’un auxiliaire magique. C’est la première fonction du donateur. Le donateur salue et questionne le héros. Le questionnaire ressemble à une épreuve déguisée. Si le héros répond grossièrement, il ne reçoit rien. Si le héros répond poliment, il reçoit un présent. Un mourant ou un mort demande au héros de lui rendre un service. Un prisonnier demande au héros de le libérer. On s’adresse au héros en lui demandant grâce. Deux personnes en train de se disputer demandent au héros de partager entre elles leur butin. Un être hostile affronte le héros et essaie de l’anéantir. On montre au héros un objet magique et on lui propose un échange.
(à suivre)