Je suis en train de lire On Writing de Stephen King. En l’achetant, je me disais qu’il venait de sortir. En le lisant, je me suis rendu compte que le bouquin était sorti il y a dix ans. Que l’auteur l’avait écrit à une époque où je lisais encore toute sa production.
Pendant longtemps, « le dernier roman que j’ai lu », ça a été Rose Madder. Sur le vol aller-retour de mon voyage de noces à Manhattan. Il y a dix ans. Depuis cette lecture aérienne, j’ai lu une quantité considérable d’essais de toutes sortes. Une somme colossale de bandes dessinées, de comic books ou de mangas. Peut-être deux ou trois romans. Quatre ou cinq, à la limite. Mais ça a changé.
Pour écrire, il faut lire. Pour une raison qui m’échappe, j’avais perdu de vue cette évidence. Je devais être assis dessus. « Je peux pas lire, j’aurai plus le temps d’écrire ». N’importe quoi. Depuis le début de l’année, j’ai lu trois essais et sept romans. Dix bouquins en deux mois.
Mon frère Thomas m’a offert Shutter Island, de Dennis Lehane, pour mon anniversaire. Il m’a harcelé pour que je le lise rapidement.
– Allô ? T’as lu Shutter Island ?
– Non, pas encore, j’ai trop de trucs à faire ce mois-ci. Angoulême, tout ça.
– Allô ? Ouais, alors, ça y est, tu l’as lu ?
– Non, je t’ai dit. Je pourrai pas avant cet été. Trop de trucs sur le feu, tu comprends ? Le boulot, tout ça.
– Allô ? Alors, ce roman, tu l’as commencé ?
– Non, je te dis. Je me le suis programmé pour avril. Je te dirai quand je l’ai lu.
– Allô ? Ouais, c’est Edmond. Figure-toi que je viens de lire les aventures de notre copain Teddy Daniels à l’hôpital psychiatrique.
– Alors ?
– C’est pas mal. Et je crois bien que ça m’a donné des idées.
Voilà. Il est là, le truc. Lire de la fiction, c’est loin d’être une perte de temps. Bordel, j’aurai pu garder ça en tête, moi qui dois les deux tiers de ma culture aux BD, aux romans et à tout ce que j’ai pu lire dans mon enfance (voire après). Des idées. Des idées pour raconter des histoires. Parce que c’est ça, mon métier : raconteur d’histoires. Que ça soit en BD ou sous une autre forme, d’ailleurs.
Stephen King, une de mes idoles de jeunesse, s’adresse directement à moi lorsqu’il recommande à ses lecteurs (ceux qui lisent On Writing) de lire des livres. Beaucoup de livres. Il me dit qu’il est lent parce qu’il ne lit que 70 à 80 livres par an. Salaud. Au téléphone, Thomas m’a dit qu’on était considéré comme un « grand lecteur » à partir de 52 livres par an. Alors, qui a raison ? Et est-ce bien important ? Je veux dire : l’étiquette de grand lecteur, je pourrais aussi bien me torcher avec, ça ne changerait pas grand-chose, pas vrai ?
Quoi qu’il en soit, ma décision est prise. Je me relance dans la lecture fiévreuse et intensive. Comme à l’époque où je lisais du Moorcock ou du Howard en planquant les bouquins sur mes genoux au lycée, en cours d’allemand. Ou quand je faisais nuit blanche parce que je venais d’emprunter Simetierre à la bibliothèque et que je ne pouvais décemment pas me coucher avant de connaître la fin de l’histoire.
Mon frère m’a offert un autre roman : l’Homme au Lèvres de Saphir. Le titre est mortel. J’ai déjà envie de le lire, celui-là. Il est dans ma pile de lecture en retard. Mais je peux vous dire une chose : cette pile, je suis en train de lui coller une de ces branlées…