Une lectrice de ce blog m’a récemment posé une question sur la manière de soumettre un projet de bande dessinée à un éditeur. Voici sa question :
Lorsque j’aurais fini ma BD, et si je souhaite la faire paraitre, devrais-je montrer des croquis aux éditeurs ou pourrais je leur présenter directement la BD intégralement finie et illustrée ?
Mon premier conseil, c’est de ne pas finir sa BD avant de la soumettre à un éditeur. Chaque auteur de BD est un génie potentiel, certes… mais ça n’est pas ce qui empêchera un éditeur de vouloir ouvrir le capot et trifouiller dans le moteur. En gros, si on finit sa BD avant de la montrer, ça prouvera une certaine détermination, d’une part, mais aussi un réel manque d’expérience professionnelle, d’autre part. En effet, même si chaque éditeur a sa propre politique pour valider un dossier de présentation de projet BD, on peut dégager quelques grandes lignes.
En gros, voici ce que l’éditeur veut avoir, au minimum, avant de se pencher sur un dossier : un pitch, des planches de démonstration, un synopsis d’une page.
Le pitch
En trois phrases bourrées de mots-clés, c’est le résumé ultime de l’histoire, suffisamment épicé pour attirer l’attention et la curiosité de votre premier lecteur (l’éditeur, donc). Ne gardez pas vos meilleures cartouches pour la suite de la bataille : tirez votre plus gros calibre tout de suite, en visant là où ça fait mal. Les arguments massue doivent figurer dans le pitch. Les surprises aussi. Même le cliffhanger, s’il est très fort. Si vous n’accrochez pas l’éditeur à la première lecture, votre dossier finira très vite à la poubelle et vous recevrez une belle lettre-type d’encouragement. Ou une lettre-type nulle, ça dépend des éditeurs, en fait.
Les planches démo
Les planches BD doivent être encrées et lettrées, la couleur étant un plus mais pas forcément obligatoire car les éditeurs ont toujours des coloristes en demande de travaux dans leur carnet d’adresses. Comptez au minimum trois planches consécutives (une séquence), bien finies (donc pas seulement crayonnées mais bien encrées), dialoguées et lettrées. Sans fautes dans le lettrage si vous voulez bien vendre votre talent d’écriveur.
Si vous mettez d’autres planches, c’est mieux. Attention cependant : privilégiez la qualité à la quantité. Mieux vaut trois planches de tuerie que trois planches de tuerie + deux planches moyennes. L’éditeur cherche avant tout le maillon faible pour pouvoir traiter ce dossier rapidement : plus vite il tombera sur un point faible, plus vite il aura un prétexte pour vous envoyer une lettre-type. Plus il reste sur votre dossier, plus il aura envie de le pousser jusqu’au bout.
Le synopsis d’une page
Comme pour le pitch, il faut faire court si vous voulez être lu. Donc c’est inutile de développer votre histoire sur trois pages pour montrer à quel point elle est compliquée. Si vous maîtrisez votre projet, vous devez être capable de concentrer en une page l’essentiel de votre intrigue. Alors, bien sûr, il y aura toujours des guides officiels qui vous diront qu’il faut un résumé complet de toute la saga, blablabla, etc. Mon cul ! Dans la vraie vie, les éditeurs reçoivent des piles de dossiers qui s’entassent sur leur bureau. Ils ne vont pas lire un roman. Ils vont aller droit au but. S’ils sont accrochés par votre dossier « court » (pitch, planches de démo, dessins de personnages, synopsis), ils ne manqueront pas de vous contacter pour en savoir plus. S’ils ne sont pas intéressés, hop, lettre type et basta.
Rendez-vous service, rendez-service à tout le monde : faites court et efficace. C’est aussi un bon moyen de lutter contre le désespoir de la lettre type. J’entends par-là qu’essuyer un refus de ce genre est plus facile à encaisser quand on a fait un dossier court que quand le dossier fait la taille d’un annuaire. Et comme ça, vous n’épuisez pas vos ressources de volonté. Vous gardez le feu sacré. Vous gardez la gagne, comme quand on écoute la musique de Rocky. Vous mordez l’idée ?